Le vulgaire, dit-on, n’a aucune mesure, il est terrible s’il est sans crainte; la plèbe est tantôt humble dans la servitude, tantôt arrogante dans la maîtrise, il n’y a en elle ni vérité ni jugement, etc. En réalité la nature est une, et commune à tous, mais nous sommes trompés par la puissance et par la culture : de là vient que lorsque deux hommes font une même chose, nous disons souvent qu’elle est acceptable de l’un mais pas de l’autre, non pas parce qu’elle diffère mais parce qu’ils diffèrent. L’arrogance est le propre des maîtres. Mais leur arrogance s’orne de faste, de luxe, de prodigalité, d’une certaine cohérence dans le vice, d’un certain savoir dans la sottise et d’une certaine élégance dans la dépravation, si bien que des vices qui, considérés séparément, et se détachant alors au plus haut point, sont répugnants et honteux, paraissent honorables et convenables aux ignorants et aux naïfs.
Spinoza, Traité Politique, VII, 27