Nº10

Hemos perdido aun este crepúsculo.
Nadie nos vio esta tarde con las manos unidas
mientras la noche azul caía sobre el mundo.
He visto desde mi ventana
la fiesta del poniente en los cerros lejanos.
A veces como una moneda
se encendía un pedazo de sol entre mis manos.
Yo te recordaba con el alma apretada
de esa tristeza que tú me conoces.
Entonces, dónde estabas?
Entre qué gentes?
Diciendo qué palabras?
Por qué se me vendrá todo el amor de golpe
cuando me siento triste, y te siento lejana?
Cayó el libro que siempre se toma en el crepúsculo,
y como un perro herido rodó a mis pies mi capa.
Siempre, siempre te alejas en las tardes
hacia donde el crepúsculo corre borrando estatuas.
 – Pablo Neruda –
Nous avons encore perdu ce crépuscule.
Et nul ne nous a vus ce soir les mains unies
pendant que la nuit bleue descendait sur le monde.
J’ai vu de ma fenêtre
la fête du couchant sur les coteaux lointains
Parfois, ainsi qu’une médaille
s’allumait un morceau de soleil dans mes mains.
Et je me souvenais de toi le cœur serré
triste de la tristesse à moi que tu connais.
Où étais-tu alors?
Et parmi quelles gens?
Quels mots prononçais-tu?
Pourquoi peut me venir tout l’amour d’un seul coup,
lorsque je me sens triste et te connais lointaine?
Le livre a chu qu’on prend toujours au crépuscule,
ma cape, chien blessé, à mes pieds a roulé.
Tu t’éloignes toujours et toujours dans le soir
vers où la nuit se hâte effaçant les statues

« Juegas todos los días con la luz del universo… »

Juegas todos los días con la luz del universo.
Sutil visitadora, llegas en la flor y en el agua.
Eres más que esta blanca cabecita que aprieto
como un racimo entre mis manos cada día.
A nadie te pareces desde que yo te amo.
Déjame tenderte entre guirnaldas amarillas.
Quién escribe tu nombre con letras de humo entre las estrellas del sur?
Ah déjame recordarte cómo eras entonces, cuando aún no existías.
De pronto el viento aúlla y golpea mi ventana cerrada.
El cielo es una red cuajada de peces sombríos.
Aquí vienen a dar todos los vientos, todos.
Se desviste la lluvia.
Pasan huyendo los pájaros.
El viento. El viento.
Yo sólo puedo luchar contra la fuerza de los hombres.
El temporal arremolina hojas oscuras
y suelta todas las barcas que anoche amarraron al cielo.
Tú estás aquí. Ah tú no huyes.
Tú me responderás hasta el último grito.
Ovíllate a mi lado como si tuvieras miedo.
Sin embargo alguna vez corrió una sombra extraña por tus ojos.
Ahora, ahora también, pequeña, me traes madreselvas,
y tienes hasta los senos perfumados.
Mientras el viento triste galopa matando mariposas
yo te amo, y mi alegría muerde tu boca de ciruela.
Cuanto te habrá dolido acostumbrarte a mí,
a mi alma sola y salvaje, a mi nombre que todos ahuyentan.
Hemos visto arder tantas veces el lucero besándonos los ojos
y sobre nuestras cabezas destorcerse los crepúsculos en abanicos girantes.
Mis palabras llovieron sobre ti acariciándote.
Amé desde hace tiempo tu cuerpo de nácar soleado.
Hasta te creo dueña del universo.
Te traeré de las montañas flores alegres, copihues,
avellanas oscuras, y cestas silvestres de besos.

Quiero hacer contigo lo que la primavera hace con los cerezos.

 – Pablo Neruda –

Ton jouet quotidien c’est la clarté du monde.
Visiteuse subtile, venue sur l’eau et sur la fleur.
Tu passas la blancheur de ce petit visage que je serre
entre mes mains, comme une grappe, chaque jour.

Et depuis mon amour tu es sans ressemblance.
Laisse-moi t’allonger sur des guirlandes jaunes.
Qui a écrit ton nom en lettres de fumée au coeur des étoiles du sud?
Ah! laisse-moi te rappeler celle que tu étais alors, quand tu n’existais pas encore.

Mais un vent soudain hurle et frappe à ma fenêtre.
Le ciel est un filet rempli d’obscurs poissons.
Ici viennent frapper tous les vents, ici, tous.
La pluie se déshabille.

Les oiseaux passent en fuyant.
Le vent. Le vent.
Je ne peux que lutter contre la force humaine.
Et la tempête a fait un tas des feuilles sombres
et détaché toutes les barques qu’hier soir amarra dans le ciel.

Mais toi tu es ici. Mais toi tu ne fuis pas.
Toi tu me répondras jusqu’à l’ultime cri.
Blottis-toi près de moi comme si tu craignais.
Mais parfois dans tes yeux passait une ombre étrange.

Maintenant, maintenant aussi, mon petit, tu m’apportes des chèvrefeuilles,
ils parfument jusqu’à tes seins.
Quand le vent triste court en tuant des papillons
moi je t’aime et ma joie mord ta bouche de prune.

Qu’il t’en aura coûté de t’habituer à moi,
à mon âme seule et sauvage, à mon nom qui les fait tous fuir.
Tant de fois, nous baisant les yeux, nous avons vu brûler l’étoile
et se détordre sur nos têtes les éventails tournants des crépuscules.

Mes mots pleuvaient sur toi ainsi que des caresses.
Depuis longtemps j’aimai ton corps de nacre et de soleil.
L’univers est à toi, voilà ce que je crois.
Je t’apporterai des montagnes la joie en fleur des copihués
avec des noisettes noires, des paniers de baisers sylvestres.

Je veux faire de toi
ce que fait le printemps avec les cerisiers.

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III.

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II.